À l’occasion du Festival de Cannes 2017, nous vous proposons une série d’articles sur le cinéma africain, dont le premier se concentre sur le cinéma nigérian.
Étant l’un des premiers vecteurs de transmission culturelle à travers le monde, le cinéma a connu – et connait toujours – une diversité repoussant sans cesse ses limites. Depuis le premier métrage tourné à la fin du 19ème siècle par les frères Lumière, des millions de films ont été produits à travers le monde… mais l’Afrique n’a pas embrayé le pas si rapidement ! Jusqu’à la fin des années 50, le cinéma en Afrique était essentiellement maitrisé par les colons occidentaux, qui décrivaient le continent comme exotique et naturel, sans considérations historiques et culturelles.
L’Afrique du Sud a cependant joué un rôle majeur dans le développement du cinéma et sa diffusion sur le continent africain : c’est à Johannesburg, en 1896, que la première caméra de cinéma à touché le sol africain, et à Cape Town que le premier long métrage sportif au monde a été diffusé en 1906. Durant les décennies suivant ce développement fou du cinéma à travers le monde, l’Afrique a été profondément pénalisée par les techniques utilisées lors de la production des bobines de film Kodak (qui était alors en quasi-monopole). Les pellicules Kodak ont en effet été développées aux États-Unis et calibrées à leurs débuts exclusivement sur des peaux… blanches. Le principe est simple : ces bobines de film sont conçues pour absorber la lumière qu’elles reçoivent et la rendre restituable au moyen d’un projecteur à lampe. Le cinéma étant essentiellement tourné et joué par des blancs à l’époque, les bobines ont été optimisées pour les peaux blanches, donc pour la restitution optimale tes tons clairs, et non des tons sombres. La plupart des réalisateurs de l’époque ne s’en sont pas ému, et on préféré effectuer des réglages spéciaux sur leur caméra, comme une exposition plus longue, plutôt que de contester la manière dont ces pellicules étaient calibrées.
En 1978, un homme a pourtant fait changer la donne : il s’agit de Jean-Luc Godart, réalisateur français, alors parti faire un tournage au Mozambique. Pour la première fois, il s’est opposé à l’utilisation pure à simple de la pellicule Kodachrome, la plus populaire à l’époque. La raison ? Cette bobine de film étant selon lui développée pour un marché exclusivement occidental, il la considérait comme raciste. Ce refus fut médiatisé, et c’est alors que l’entreprise Kodak s’est rendu compte qu’il n’était plus possible de continuer dans cette direction.
Ce n’est donc qu’à la fin des années 70 que Kodak s’est décidé à faire de réels efforts pour calibrer ses bobines différemment, et a finalement sorti une pellicule spéciale au milieu des années 80 : la Kodacolor Gold. C’est alors qu’une nouvelle vague débute dans le développement du cinéma africain, notamment à l’international. De nombreux films cultes sont en effet apparus sur nos écrans, comme Out of Africa ou Les Dieux sont Tombés sur la Tête. Dans le début des années 90, la suppression du régime de l’apartheid en Afrique du Sud relance les investissements étrangers en Afrique australe, et le rayonnement cinématographique de l’Afrique parvient enfin a se faire reconnaitre sur la scène internationale. Quelques films cultes comme Sarafina! se démarquent à la fois dans leur engagement politique et la qualité de leur réalisation, et toute une génération de réalisateurs devient marquée par cette diffusion amplifiée du cinéma africain à l’international.
Aujourd’hui, alors que Nollywood est l’un des plus grands producteurs de films au monde, le rayonnement international du cinéma africain n’est plus à prouver. Cependant, peu de films africains ont été primés lors des plus prestigieux festivals internationaux du film. Que nous réservera Cannes 2017 ?